Du Balzac ! Les péripéties de l’affaire Wendel pourraient trouver aisément leur place dans La Comédie humaine. Le rapport à l’argent, omniprésent, les comportements prédateurs, les trahisons en série. Tout y est. Dernier chapitre en date, l’assignation en justice de trois dirigeants de Wendel, dont Ernest-Antoine Seillière, ancien patron du CNPF, puis du Medef, par son ancienne directrice de la communication, Christine Dutreil. La première audience doit se tenir jeudi 6 décembre au Tribunal de commerce de Paris. Balzac lui-même n'aurait peut-être pas imaginé une situation aussi savoureuse sur le plan du cynisme et du calcul.
Au cœur de l’affaire, Solfur, un programme d’intéressement, concocté par la banque JP Morgan, elle aussi mise en cause et destiné à une dizaine de cadres dirigeants de Wendel, dont Mme Dutreil. Ils avaient eu en 2007 la possibilité d’acheter des actions du fonds d'investissement français à prix préférentiel à la condition de les garder pendant trois ans. Condition qui a été scrupuleusement respectée à l’exception d’Ernest-Antoine Seillière, de Jean-Bernard Lafonta et Bernard Gautier, tous trois, membres du directoire. On comprend leur impatience à réaliser leur gain. L’action Wendel a coté jusqu’à 128 euros avant de s’effondrer à 33 euros, le jour où Mme Dutreil a pu enfin vendre ses actions. Pour l’anecdote, MM. Seillière, Lafonta et Gautier s’étaient attribués près de 80% des actions du programme. A la lumière de cette affaire, on porte un regard neuf sur les leçons de gouvernance et de bonne gestion que pouvait prodiguer M.Seillière lorsqu’il était à la tête de l’organisation patronale.
Si Mme Dutreil se réveille aujourd'hui au risque de provoquer le scandale, c'est que Solfur n’avait pas grand-chose à voir avec le plan d’épargne salarial de Monsieur tout le monde. Celui de Mme Dutreil, comme celui des autres cadres était un peu mieux doté que la moyenne. Le fait qu’elle s’estime lésée de quelque 3,92 millions d’euros, donne une petite idée du nombre d’actions que les dirigeants se sont octroyé. Certes, cette somme comprend 2,19 millions d’euros de redressement fiscal. Car, comme un malheur n’arrive jamais seul, le fisc a fini par mettre le nez dans les petites affaires de Wendel. Ses dirigeants font aujourd’hui l’objet d’un redressement colossal, qui s’ajoute à une enquête préliminaire pour délit d’initiés et manipulation de cours. Du Balzac, on vous dit. C'est dans ce contexte qu'Ernest-Antoine Seillière a annoncé, jeudi 6 décembre, qu'il allait quitter la présidence du conseil de surveillance de la société d'investissement Wendel au cours de l'année 2013, évoquant comme raison son âge.